Reprise de terres familiales

Reprendre une exploitation agricole familiale représente un défi à la fois juridique et pratique pour un nouvel exploitant. Cet article détaille les conditions, démarches et enjeux liés à cette transition primordiale pour la pérennité de l'activité paysanne.

Les conditions nécessaires à la reprise de terres familiales

reprise de terres familiales
La reprise de terres familiales est un processus qui permet à un agriculteur de reprendre l'exploitation de terres détenues par un membre de sa famille. Cependant, cette reprise est soumise à des conditions légales strictes afin de préserver la viabilité des exploitations agricoles et de favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs.

Les qualifications professionnelles requises

Pour pouvoir reprendre des terres familiales, le repreneur doit justifier de capacités professionnelles suffisantes. Cela peut se faire de deux manières :
  • En détenant un diplôme agricole de niveau IV minimum, tel que :
    • Le Brevet Professionnel Responsable d'Exploitation Agricole (BPREA)
    • Le Baccalauréat Professionnel agricole
    • Le Brevet de Technicien Supérieur Agricole (BTSA)
  • En justifiant d'une expérience professionnelle en agriculture d'au moins 5 années, acquise sur une surface au moins égale à la moitié de la Surface Minimale d'Installation (SMI).

Le statut des biens transmis

Les terres reprises doivent impérativement être libres de location au moment de la reprise. Si un fermier exploite actuellement les terres, son bail doit avoir été résilié dans les règles et le congé délivré dans les délais légaux pour que la reprise puisse avoir lieu.

Les liens familiaux nécessaires

La reprise de terres n'est possible que si celles-ci sont détenues par un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus depuis au moins 9 ans. Les liens familiaux concernés sont donc :
  • Les parents et grands-parents (1er et 2ème degrés)
  • Les frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs, gendres et brus (2ème degré)
  • Les oncles et tantes, neveux et nièces (3ème degré)

La déclaration préalable à la DDTM

Avant de pouvoir exploiter les terres reprises, le repreneur doit effectuer une déclaration préalable auprès de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) dont dépend le siège de l'exploitation. Cette déclaration se substitue à la demande d'autorisation d'exploiter normalement requise, à condition que les critères de capacité professionnelle, de lien familial et de libération des terres soient remplis. En cas de doute sur l'une de ces conditions, la DDTM peut requalifier la déclaration en demande d'autorisation d'exploiter et procéder à une instruction complète du dossier.

Le régime déclaratif et les avantages fiscaux

La reprise d'une exploitation agricole familiale peut bénéficier d'un régime fiscal avantageux sous certaines conditions. Le régime déclaratif permet de simplifier les démarches administratives et d'obtenir des avantages fiscaux significatifs lors de la transmission des biens familiaux.

Les conditions pour bénéficier du régime déclaratif

Pour pouvoir prétendre au régime déclaratif lors de la reprise de biens familiaux, plusieurs conditions cumulatives doivent être remplies :
  • Le repreneur doit justifier des capacités professionnelles requises, à savoir un diplôme agricole de niveau IV minimum (Bac Pro, BTS agricole) ou une expérience agricole d'au moins 5 ans.
  • Les biens transmis doivent être libres de location au moment de la reprise.
  • Les biens doivent avoir été détenus par un parent ou allié, jusqu'au 3ème degré inclus, depuis au moins 9 ans.
  • La reprise doit permettre l'installation d'un nouvel agriculteur ou la consolidation de l'exploitation du repreneur, sans dépasser le seuil de surface fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles.
Lorsque ces conditions sont remplies, une simple déclaration préalable auprès de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) suffit, dispensant ainsi le repreneur de la demande d'autorisation d'exploiter.

Les avantages fiscaux liés à la reprise familiale

Au-delà de la simplification administrative, la reprise d'une exploitation familiale peut ouvrir droit à des avantages fiscaux substantiels, notamment grâce au dispositif du pacte Dutreil. Ce dernier permet une exonération partielle ou totale des droits de succession ou de donation, pouvant atteindre jusqu'à 75% de la valeur des biens transmis.

Les engagements du pacte Dutreil

Pour bénéficier de ces avantages fiscaux, les repreneurs doivent s'engager à respecter certaines conditions pendant une durée déterminée :
  • Conservation des titres de l'exploitation pendant au moins 4 ans
  • Poursuite de l'activité agricole durant un minimum de 3 ans
Ces engagements doivent être formalisés dans un pacte, rédigé sous forme de statuts de société ou de testament notarié. Il est donc essentiel de se faire accompagner par un professionnel (notaire, expert-comptable) pour mettre en place ce dispositif de manière optimale. Le régime déclaratif et les avantages fiscaux associés constituent des outils précieux pour faciliter la transmission des exploitations agricoles familiales. Anticiper et bien préparer son projet de reprise permet de bénéficier pleinement de ces dispositifs, tout en assurant la pérennité de l'activité agricole.

Les démarches administratives et les points de vigilance

reprise de terres familiales
La reprise d'une exploitation agricole familiale implique de nombreuses démarches administratives et points de vigilance. Il est essentiel d'être bien informé et préparé pour mener à bien ce projet et assurer la pérennité de l'exploitation.

Les démarches administratives incontournables

Changement du numéro PACAGE

Le numéro PACAGE est l'identifiant unique de l'exploitation agricole. Lors de la reprise, il est nécessaire de demander un nouveau numéro auprès de la Direction Départementale des Territoires (DDT) afin de pouvoir bénéficier des aides de la Politique Agricole Commune (PAC).

Transfert des Droits de Paiement de Base (DPB)

Les DPB sont des aides découplées de la PAC, basées sur les surfaces agricoles. Pour continuer à en bénéficier, il faut effectuer une demande de transfert auprès de la DDT, en fournissant les justificatifs nécessaires (acte de vente, bail, convention de mise à disposition, etc.).

Modification du numéro de détenteur pour les élevages

Dans le cas d'une reprise d'élevage, il faut demander la modification du numéro de détenteur auprès de l'Établissement de l'Élevage (EdE). Ce numéro permet d'identifier chaque détenteur d'animaux et est indispensable pour les démarches sanitaires et la traçabilité.

Autorisations spécifiques pour les exploitations viticoles

Pour les reprises d'exploitations viticoles, il est important de vérifier le transfert des autorisations de plantation ou de replantation en portefeuille. Ces autorisations sont gérées par FranceAgriMer et doivent être déclarées lors de la reprise.

Les points de vigilance à ne pas négliger

Conditions de reprise des terres louées

Si l'exploitation comprend des terres en fermage, il faut être attentif aux conditions de reprise. Le repreneur doit respecter les clauses du bail rural en cours et négocier avec le propriétaire pour établir un nouveau bail ou une cession du bail existant. Des délais de préavis et des indemnités peuvent être prévus.

Obligations légales à respecter

La reprise d'une exploitation agricole implique de nombreuses obligations légales, notamment en matière de droit du travail, de normes environnementales et de sécurité alimentaire. Il est essentiel de se renseigner sur les réglementations en vigueur et de se mettre en conformité dès le début de l'activité. La reprise d'une exploitation agricole familiale nécessite une bonne anticipation des démarches administratives et une prise en compte des différents points de vigilance. L'accompagnement par des professionnels (notaire, comptable, conseiller juridique) peut être précieux pour sécuriser le projet et assurer sa réussite sur le long terme.

Les enjeux économiques et sociaux de la reprise de terres familiales

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La reprise de terres familiales est un enjeu crucial pour l'avenir de l'agriculture française. Face au vieillissement de la population agricole et à la concentration croissante des exploitations, il est essentiel de faciliter la transmission des terres aux nouvelles générations d'agriculteurs. Cependant, cette transition s'accompagne de nombreux défis économiques et sociaux qu'il convient d'analyser.

Un contexte agricole en mutation

Selon les données du ministère de l'Agriculture, la moyenne d'âge des agriculteurs français s'élève actuellement à 58 ans. Cette situation laisse présager un important changement de mains des terres agricoles dans les années à venir. On estime qu'un cinquième de la surface agricole utile (SAU) française changera de propriétaire d'ici 2030, soit environ 5 millions d'hectares. Cette transition générationnelle représente une opportunité unique de réorienter le modèle agricole français vers des pratiques plus durables et de favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs. Cependant, elle s'accompagne également de nombreux défis, notamment en termes d'accès au foncier pour les jeunes agriculteurs.

Les obstacles à l'installation des nouveaux agriculteurs

L'accès au foncier constitue l'un des principaux freins à l'installation des nouveaux agriculteurs. Le prix des terres agricoles a connu une augmentation significative ces dernières années, rendant leur acquisition de plus en plus difficile pour les jeunes agriculteurs ne disposant pas d'un capital de départ conséquent.
Année Prix moyen des terres et prés libres non bâtis (€/ha)
2010 5 230
2015 5 910
2020 6 270
De plus, la concentration croissante des exploitations agricoles rend l'accès aux terres encore plus complexe pour les nouveaux entrants. Les exploitations de grande taille, disposant de capacités financières plus importantes, sont souvent mieux positionnées pour acquérir les terres libérées par les départs en retraite.
"J'ai réussi ce passage en bio et mes dix dernières années ont été heureuses, alors quand l'âge de la retraite est arrivé, il était hors de question que le travail d'une vie soit démantelé et que ma ferme parte à l'agrandissement, faute de repreneur. Mes terres, je les avais dans la peau. Comme nombre d'agriculteurs, mes parents me les avaient transmises." Loïc Gaudin, ferme de Duptière

Des solutions pour faciliter la reprise de terres familiales

Le portage foncier

Le portage foncier est l'une des solutions envisagées pour faciliter la reprise de terres familiales par les jeunes agriculteurs. Il consiste à faire porter la propriété foncière par des organismes publics ou privés, permettant ainsi aux nouveaux installés de louer les terres dans un premier temps, avant d'en devenir propriétaires à terme.

Les aides financières à l'installation

Les pouvoirs publics ont mis en place différentes aides financières pour soutenir l'installation des jeunes agriculteurs, comme la Dotation Jeune Agriculteur (DJA). Cependant, ces dispositifs ne bénéficient qu'à une minorité d'installations, en raison de critères d'éligibilité parfois trop restrictifs (surface, rentabilité, âge).

Une politique publique volontariste

Au-delà des outils existants, il apparaît nécessaire de mettre en place une politique publique volontariste pour accompagner la transmission des terres agricoles et favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs. Cela passe notamment par une meilleure régulation du marché foncier, une adaptation des dispositifs d'aide à la diversité des projets d'installation, et un accompagnement renforcé des cédants et des repreneurs. La reprise de terres familiales constitue un enjeu majeur pour l'avenir de l'agriculture française. Face aux défis économiques et sociaux que pose cette transition générationnelle, il est essentiel de mettre en place des solutions adaptées pour faciliter l'accès au foncier des nouveaux agriculteurs et préserver la vitalité des territoires ruraux.

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