Si vous souhaitez reprendre une exploitation agricole, le choix du statut juridique est primordial. Cet article détaille les différentes options disponibles pour les exploitants, en présentant leurs avantages et inconvénients respectifs, notamment en termes de responsabilité et de fiscalité.
Les statuts individuels pour les exploitants agricoles
Pour les exploitants agricoles souhaitant s'installer seuls, deux principaux statuts juridiques s'offrent à eux : l'entreprise individuelle (EI) et l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). Chacun de ces statuts présente des caractéristiques spécifiques qu'il convient d'examiner attentivement avant de faire son choix.
L'entreprise individuelle (EI)
L'entreprise individuelle est le statut le plus simple pour un exploitant agricole qui souhaite s'installer seul. Sa constitution ne nécessite pas de formalités particulières, hormis une déclaration au Centre de Formalités des Entreprises (CFE). Il n'y a pas de capital minimum requis et l'exploitant exerce son activité en son nom propre.
Sur le plan fiscal, les bénéfices de l'exploitation sont soumis à l'impôt sur le revenu (IR). Cependant, l'un des inconvénients majeurs de ce statut réside dans le fait que le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l'exploitant ne sont pas distincts. En cas de difficultés financières, l'exploitant est responsable des dettes de l'entreprise sur l'ensemble de son patrimoine.
L'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)
L'EIRL permettait à l'exploitant de protéger son patrimoine personnel en le séparant de son patrimoine professionnel. Pour cela, il devait effectuer une déclaration d'affectation listant les biens nécessaires à son activité professionnelle. Sa responsabilité était alors limitée aux biens affectés.
Comme pour l'EI, l'exploitant en EIRL était soumis à l'impôt sur le revenu, mais il avait la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés (IS). Cette option pouvait être intéressante pour les exploitations dégageant des bénéfices importants.
Suppression du statut d'EIRL depuis le 15 mai 2022
Il est important de noter que le statut d'EIRL a été supprimé depuis le 15 mai 2022. Il a été remplacé par un statut unique d'entrepreneur individuel qui offre une protection du patrimoine personnel de l'exploitant, sans nécessiter de déclaration d'affectation. Les EIRL existantes avant cette date ont été automatiquement transformées en entreprises individuelles avec patrimoine protégé.
Pour un exploitant agricole souhaitant s'installer seul, l'entreprise individuelle reste le statut le plus simple sur le plan administratif. Depuis la réforme de mai 2022, ce statut offre également une protection du patrimoine personnel, ce qui était auparavant l'avantage principal de l'EIRL. Le choix entre l'IR et l'IS dépendra de la situation fiscale de l'exploitant et des bénéfices dégagés par l'exploitation.
Les sociétés agricoles classiques : GAEC, EARL, SCEA
Il existe des formes juridiques créées et pensées spécifiquement pour les exploitants agricoles. On en trouve trois principales qui sont des sociétés civiles : le Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC), l'Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL) et la Société Civile d'Exploitation Agricole (SCEA). L'intérêt de ces sociétés civiles est qu'elles sont assujetties à l'impôt sur le revenu (IR) et non à l'impôt sur les sociétés (IS), contrairement aux sociétés dites commerciales.
Le Groupement Agricole d'Exploitation En Commun (GAEC)
Le GAEC est une société civile qui a pour objectif de permettre à plusieurs exploitants agricoles, le plus souvent voisins, de mettre en commun tout ou partie de leur exploitation. Cela permet de partager le matériel, la main d'œuvre, et éventuellement les productions. Les principales caractéristiques du GAEC sont :
Un minimum de 2 associés et un maximum de 10, obligatoirement des personnes physiques majeures
Un capital social minimum de 1 500 €
Une responsabilité des associés limitée à deux fois leur part de capital social
Une imposition des bénéfices agricoles à l'IR au nom des associés, avec possibilité d'opter pour l'IS
L'Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL)
L'EARL est la forme de société agricole la plus répandue. Il s'agit d'une société civile pouvant être unipersonnelle ou pluripersonnelle, avec un maximum de 10 associés. Ses principales caractéristiques sont :
Un capital social minimum de 7 500 €
Une responsabilité des associés limitée à leurs apports
Les associés exploitants doivent détenir au moins 50% du capital social
Une imposition des bénéfices agricoles à l'IR au nom des associés, avec possibilité d'opter pour l'IS
La Société Civile d'Exploitation Agricole (SCEA)
La SCEA a pour objectif la gestion et l'exploitation de terres agricoles et forestières, ainsi que la gestion de terres bâties ou non. Ses principales caractéristiques sont :
Un minimum de 2 associés, sans limitation de nombre, pouvant être des personnes physiques ou morales
Pas de montant minimum de capital social
Possibilité d'avoir uniquement des associés non exploitants
Le gérant n'a pas à être désigné parmi les associés
Contrairement à l'entreprise individuelle, ces trois statuts juridiques agricoles impliquent des formalités administratives plus lourdes, comme la rédaction des statuts, l'enregistrement au greffe, la publication dans un journal d'annonces légales et l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). De plus, une comptabilité formelle doit être tenue avec production de bilans et de comptes de résultat.
Le choix entre ces différentes formes de sociétés agricoles dépendra des spécificités de chaque projet, comme le nombre d'associés, leur volonté de s'impliquer dans l'exploitation, le niveau de protection du patrimoine personnel souhaité et les contraintes administratives acceptées.
Les autres statuts pour les exploitants agricoles : conjoint collaborateur et cotisant solidaire
Au-delà des statuts classiques d'exploitant agricole, il existe d'autres options adaptées à des situations spécifiques. Le statut de conjoint collaborateur et celui de cotisant solidaire offrent des alternatives intéressantes pour les personnes souhaitant s'impliquer dans une exploitation agricole sans en être le chef d'exploitation à titre principal.
Opter pour un statut agricole en votre nom
L'entreprise individuelle est un statut simple. Il suffit de vous déclarer au Centre de Formalités des Entreprises (CFE). Les revenus sont soumis à l'Impôt sur le revenu. En choisissant ce statut, vous êtes responsable des dettes de l'entreprise sur votre patrimoine (personnel ou professionnel).
Ce statut a le mérite d'offrir de la liberté au chef ou à la cheffe d'exploitation, car la société agricole peut être mise en faire-valoir direct, en fermage ou en métayage.
D'autres statuts agricoles sont possibles si vous êtes plus d'un·e associé·e sur la ferme comme le GAEC, l'EARL, la SCEA, etc.
Préférer le statut de conjoint agricole
Si votre conjoint·e est chef·fe d'exploitation, vous pouvez prétendre aux statuts suivants :
Collaborateur·trice d'exploitation ou d'entreprise agricole
Associé·e d'exploitation
La qualité d'aide familiale
Ce statut a ceci de pratique que vous pouvez le choisir même si vous exercez une activité salariée en dehors de l'exploitation ou de l'entreprise agricole. En revanche, il n'est valable que pour une durée de 5 ans.
À noter cependant que si ce statut coûte moins cher au niveau des charges, il ne permet pas d'accéder à la même couverture sociale et retraite que le statut en votre nom.
Être cotisant·e solidaire
Être agriculteur·trice à titre secondaire ne signifie pas forcément travailler avec une personne inscrite à titre principal. Si la surface cultivée ou le chiffre d'affaires n'atteignent pas les seuils de la MSA, vous pouvez tout de même obtenir un statut. Vous pouvez devenir cotisant·e solidaire si :
Vous exploitez une surface agricole inférieure à la moitié de la Surface Minimale d'Installation (SMI). Cette SMI varie selon les départements et les productions.
Vos revenus professionnels sont inférieurs à 800 SMIC (soit 8 232 € en 2023).
En tant que cotisant·e solidaire, vous bénéficiez d'une couverture sociale limitée (maladie, maternité, invalidité, décès) mais pas de droits à la retraite. Vous devez cotiser au prorata de vos revenus professionnels.
Ce statut peut être intéressant si vous démarrez progressivement une activité agricole ou si vous avez une autre activité professionnelle à côté. Il permet de conserver un lien avec le milieu agricole sans supporter toutes les charges d'un·e exploitant·e à titre principal.
Les démarches administratives pour créer une exploitation agricole
La création d'une exploitation agricole implique de suivre un certain nombre de démarches administratives obligatoires. Ces formalités permettent d'obtenir un statut officiel d'agriculteur et de bénéficier des droits et aides associés. Voici un guide détaillé des étapes clés à suivre pour mener à bien votre projet d'installation.
Déclaration au Centre de Formalités des Entreprises (CFE)
La première étape consiste à déclarer votre activité auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) de la Chambre d'agriculture de votre département. Cette déclaration doit être effectuée dans les 30 jours suivant le début de votre activité. Les documents requis sont :
Le formulaire P0 de déclaration d'entreprise agricole
Une pièce d'identité
Un justificatif de domicile
Les statuts de la société si vous créez une forme sociétaire
Le CFE se chargera de transmettre votre dossier aux différents organismes concernés (MSA, Centre des impôts, Greffe du Tribunal de Commerce, etc.).
Immatriculation auprès de la MSA
En tant qu'exploitant agricole, vous devez obligatoirement vous affilier à la Mutualité Sociale Agricole (MSA). Cette démarche permet de bénéficier d'une couverture sociale (maladie, retraite, etc.). Pour cela, vous devez fournir :
Le formulaire d'affiliation à la MSA
Une copie de votre déclaration au CFE
Un RIB
Une attestation de régularité fiscale
L'affiliation doit être réalisée dans les 90 jours suivant le début de votre activité. Les cotisations sociales seront calculées en fonction de vos revenus professionnels.
Obtention de l'autorisation d'exploiter
Depuis la loi d'Avenir pour l'Agriculture de 2014, tout nouvel exploitant doit obtenir une autorisation d'exploiter auprès de la Direction Départementale des Territoires (DDT). Cette formalité vise à contrôler les structures agricoles et l'usage des terres. La demande doit être déposée avant votre installation et comprend :
Le formulaire de demande d'autorisation d'exploiter
Un plan de situation des terres exploitées
La justification de votre capacité professionnelle agricole
Le délai d'instruction est de 4 mois maximum. L'absence de réponse vaut acceptation.
Choix du régime d'imposition
En fonction de la nature et de la taille de votre exploitation, vous pouvez opter pour différents régimes d'imposition :
Régime
Seuil de recettes HT
Micro-BA
Jusqu'à 85 800 €
Réel simplifié
De 85 800 € à 365 000 €
Réel normal
Au-delà de 365 000 €
Le choix du régime fiscal doit être effectué avant le 1er février de l'année suivant la création. Il est valable pour un an, renouvelable par tacite reconduction.
Autres démarches
Selon votre situation, d'autres formalités peuvent être nécessaires :
Déclaration auprès de l'EDE (Établissement Départemental de l'Élevage) pour les éleveurs
Déclaration de ruches pour les apiculteurs
Inscription au registre du commerce pour les formes sociétaires
Demande d'aides à l'installation (Dotation Jeune Agriculteur par exemple)
N'hésitez pas à vous faire accompagner par les conseillers de la Chambre d'agriculture ou du Centre d'Économie Rurale pour constituer vos dossiers. Des formations à l'installation sont également proposées pour vous guider dans vos démarches.
Les stages dans une ferme biologique représentent une opportunité pour améliorer sa compétence et se conformer aux approches innovatrices actuelles.
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L’univers de l’agriculture nécessite une certaine dextérité, stratégie et résilience. Pour acquérir ses qualités, certaines institutions proposent des formations et des accompagnements.
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Un éleveur animalier représente un métier à part entière. Il nécessite l’acquisition d’un certificat de capacité.